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Journal de bord d’une ''Ehpadienne'' -Episode 7

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Bonjour les amis,
Comme promis voici l’épisode 7 du journal de bord d’une Ehpadienne : « Le déconfinement étape 2 et étape 3 »
Pour rappel : Marylène Holl-Friz vit en Ehpad. Elle est écrivain. Elle a 99 ans et a écrit et décrit sa vie quotidienne le temps du confinement. Comme chaque semaine, nous suivons son récit.
Au cœur de l’intime
MERCI Mme Holl-Friz.
Ensemble !
 
 
Journal de bord d’une Ehpadienne 7 :  

Le déconfinement 2   (26 mai 2020) et le déconfinement  3      (7 juin 2020)

Retour des résidents du 2ème et du 1er étage à la salle à manger. Pour moi, une découverte encourageante … je retrouve d’anciennes voisines. La conversation, cependant était lente à démarrer mais il y a un courant d’habitudes, de sympathies qui passent sans hâte, peut-être parce que la vie a surmonté la mort, parce que nous sommes attablées, à 1,5 m de distance en train de manger, de boire, de retrouver les gestes familiers. En son for intérieur on se remémore les moments cruels, ces moments insolites avec ou sans la maladie. On n’en parle pas. Chacune garde en elle ce vécu et finalement la survie.
- Pourrais-je avoir un peu de Maggi s.v.p ? demande Anna S à la serveuse.
- Oui, tout de suite ! Voulez-vous du vin rouge ou blanc, Madame Krackes ?
- Du blanc d’Alsace s.v.p avec le poisson.
- Tenez, mettez cette serviette, Madame Boehl !
- J’ai la mienne dans mon rollator. Merci !
- Vous sortez aujourd’hui, Madame Friz ?
- Oui. Un peu, Aurore, l’animatrice, me l’a proposé.

Marcher, réapprendre à marcher, c’est miraculeux. Le soleil, en majesté, je le hume ; le parfum des roses de jardin, je l’inhale profondément tout en découvrant le frémissement des arbres, le ciel par-dessus. Quinze minutes de réveil au grand air. J’ai continué, sans accompagnement les jours suivants.
En chambre Pour me renseigner, la télé (BFM ou France Info) me livraient les dernières statistiques coronariennes. Ainsi je suis avec consternation le peu de progrès de la recherche pour me jeter en pensée sur « La Condition Humaine » qui a peu changé depuis Malraux.
D’autre part, j’évite la passivité qui nous est devenue familière alors que ma nature préfère l’activité. Je pratique en écrivant chaque jour, soit des lettres, soit des contes, soit des ressentis que je mijote avant de m’endormir. Suivront les prières qui datent de mon enfance (en langue allemande) que ma mère nous instillait chaque soir après le dîner alors que mon père corrigeait les cahiers dont les mensuels annotés avec l’autorité intouchable des instituteurs du début du 19éme siècle. On avait une approche religieuse de l’obéissance, de la liberté, de la nature. Dans mon lit, en face de ce vieux passé, j’étais presque heureuse. Puis, bonne nuit à mes enfants, à travers les ondes et la délivrance du sommeil.
Libérés.

Catégorie de l'article : Semaine Mercredi paroles d'ainés Nouveautés EHPAD
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