Journal de bord d’une ''Ehpadienne'' - Episode 4
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Bonjour les amis,
Comme promis voici l’épisode 4 du journal de bord d’une Ehpadienne : « Je suis en vie, je pense, j’écris »
Pour rappel : Marylène Holl-Friz vit en Ehpad. Elle est écrivain . Elle a 99 ans et a écrit et décrit sa vie quotidienne le temps du confinement.
Nous suivons son récit chaque semaine.
Texte d’une telle puissance qu’il est à lire et à relire.
MERCI Mme Holl-Friz.
Ensemble !
Comme promis voici l’épisode 4 du journal de bord d’une Ehpadienne : « Je suis en vie, je pense, j’écris »
Pour rappel : Marylène Holl-Friz vit en Ehpad. Elle est écrivain . Elle a 99 ans et a écrit et décrit sa vie quotidienne le temps du confinement.
Nous suivons son récit chaque semaine.
Texte d’une telle puissance qu’il est à lire et à relire.
MERCI Mme Holl-Friz.
Ensemble !
Journal de bord d’une Ehpadienne 4 : « Je suis en vie, je pense, j’écris »
Je suis résidente du foyer Caroline (et ce n’est pas un pléonasme) de répéter : « C’est ici que je jouis, en mes derniers jours, d’une tranquille sérénité ». Merci à tous !
Le confinement. Samedi 7 mars 2020.
La maladie se répand comme une traînée de poudre et ne peut pas laisser indifférent notre gouvernement. Des mesures sont prises par le Président, le 1er Ministre le 7 mars 2020.
Les mesures qui concerneront des millions de personnes, seront drastiques. Le confinement est annoncé pour nous, les Ehpadiens : ce sera la chambre dont notre vie entre quatre murs dépendra, - nous ignorons la durée – de ce que nous pouvons en faire à part garder le lit, nous laver les mains, nous les passer au gel hydro-alcoolisé, sans oublier les excellents « petit-déjeuner », les autres repas nous les souhaitions plus légers.
Les non-alités, debout, dans l’attente d’on ne sait quelle surprise, vont et viennent dans l’isolement et le mouvement : pour moi, dans une chambre de 18 mètres carrés où, entre lit, table, armoire, deux fauteuils et une chaise, je pratique plusieurs fois par jour le footing à petits pas de 15 cm, c-à-dire 45 m répétés trois fois par jour, ce qui fait tout de même 135 m ! Ma hantise, c’est la chute ; je m’agrippe aux meubles.
J’évite d’alerter les soignants, pliant sous la tâche. Lorsque la solitude me pèse j’écris mes pensées, mes plaintes et mes espoirs. La télé, à part les informations covid, ne m’intéresse pas. Le regard fixe, le détail des photos de famille et mes amis, une quarantaine punaisée sur le mur.
Je fais ma toilette seule sauf la douche et le brushing (il n’y a plus de coiffeuse). Je m’installe sans bouger devant la fenêtre pour contempler le paysage des collines avoisinantes, les frondaisons verdoyantes de pousses printanières, derrière la cité Hartmann, la chaîne où s’allongent les ballons vosgiens en gris-bleu. Souvenir, quand tu nous tiens. Je rêve à mon enfance où la montagne était mon luxe de vacances.
Au Foyer Caroline le confinement, on pourrait l’appeler quarantaine mais il dépassera, selon ce que l’on peut conclure ce laps de temps.
Au rez-de-chaussée, personne ne rentre, personne ne sort. Le bureau veille.
Je suis résidente du foyer Caroline (et ce n’est pas un pléonasme) de répéter : « C’est ici que je jouis, en mes derniers jours, d’une tranquille sérénité ». Merci à tous !
Le confinement. Samedi 7 mars 2020.
La maladie se répand comme une traînée de poudre et ne peut pas laisser indifférent notre gouvernement. Des mesures sont prises par le Président, le 1er Ministre le 7 mars 2020.
Les mesures qui concerneront des millions de personnes, seront drastiques. Le confinement est annoncé pour nous, les Ehpadiens : ce sera la chambre dont notre vie entre quatre murs dépendra, - nous ignorons la durée – de ce que nous pouvons en faire à part garder le lit, nous laver les mains, nous les passer au gel hydro-alcoolisé, sans oublier les excellents « petit-déjeuner », les autres repas nous les souhaitions plus légers.
Les non-alités, debout, dans l’attente d’on ne sait quelle surprise, vont et viennent dans l’isolement et le mouvement : pour moi, dans une chambre de 18 mètres carrés où, entre lit, table, armoire, deux fauteuils et une chaise, je pratique plusieurs fois par jour le footing à petits pas de 15 cm, c-à-dire 45 m répétés trois fois par jour, ce qui fait tout de même 135 m ! Ma hantise, c’est la chute ; je m’agrippe aux meubles.
J’évite d’alerter les soignants, pliant sous la tâche. Lorsque la solitude me pèse j’écris mes pensées, mes plaintes et mes espoirs. La télé, à part les informations covid, ne m’intéresse pas. Le regard fixe, le détail des photos de famille et mes amis, une quarantaine punaisée sur le mur.
Je fais ma toilette seule sauf la douche et le brushing (il n’y a plus de coiffeuse). Je m’installe sans bouger devant la fenêtre pour contempler le paysage des collines avoisinantes, les frondaisons verdoyantes de pousses printanières, derrière la cité Hartmann, la chaîne où s’allongent les ballons vosgiens en gris-bleu. Souvenir, quand tu nous tiens. Je rêve à mon enfance où la montagne était mon luxe de vacances.
Au Foyer Caroline le confinement, on pourrait l’appeler quarantaine mais il dépassera, selon ce que l’on peut conclure ce laps de temps.
Au rez-de-chaussée, personne ne rentre, personne ne sort. Le bureau veille.