Logo stop à l'isolement
Faire
un don
Menu

Journal de bord d’une ''Ehpadienne'' - Episode 3

Retour image : Journal de bord d’une ''Ehpadienne'' - Episode 3
2091 vues
Bonjour les amis,
Comme promis voici l’épisode 3 du journal de bord d’une Ehpadienne : « Je survis »
Pour rappel : Marylène Holl-Friz vit en Ehpad. Elle est écrivain. Elle a 99 ans et a écrit et décrit sa vie quotidienne le temps du confinement. Nous allons suivre son récit chaque semaine.
Texte d’une telle puissance qu’il est à lire et à relire.
MERCI Mme Holl-Friz.
Ensemble !

 
 
Covid 19 rôde et sème la mort. Le monde entier est concerné et les Hommes d’État n’avaient pas non plus pris des décisions d’avant-garde !

Si je suis survivante du mois de mars 2020, guérie par chance exceptionnelle et sans doute aussi grâce à des facteurs héréditaires et volonté d’être, même confinée, fidèle à mon désir de « faire ».

La résignation est pour moi un mot étranger et la résilience n’est pas encore entrée dans mon vocabulaire, mot à résonance molle qui signe un déclin. La souffrance peut aussi enrichir.

Cela ne veut pas dire que l’idée de mort ne m’aura jamais touchée pendant ces neuf à dix semaines de solitude, de doutes imposés par la pandémie. Ayant vécu la guerre de 1939-1945, je suis forcément au fait de la mort violente sans oublier les deuils des familles touchées.

La pandémie Covid 19 n’est pas la guerre comme on l’entend mais est une sorte de guerre froide. L’ennemi restant caché en grand point d’interrogation, n’est pas décelable. Nous connaissons la guerre au grand jour qui comprend des éléments concrets : ordre de batailles étudié, bombardements, armes, blessés, sang, morts, en rase campagne. Le Covid 19 reste faux jeton.

L’idée de mort, cette angoisse croissante lorsque alitée, je découvrais les annonces mortuaires dans le journal local, lecture obligée à 8H30 après le petit-déjeuner, en chambre bien entendu, me frôlait. Je plongeais dans le vide, instantanément et me remémorais certains drames vécus dans mon existence, alors que je venais de publier un roman alsatique qui relate la rencontre de deux puissances antagonistes, l’amour et la guerre « Fine et Fred », pendant la première guerre mondiale. Ces livres sont en attente de trouver lecteurs. Je m’étonne du détachement accordé à cette déconvenue, malgré le travail de plus d’une année. Ce n’est, eu égard sur le tsunami Covid19, qu’un épisode personnel secondaire. Il existe des hasards, concordances des temps et de faits qui pourraient faire croire à un ajustement organisé à un moment hors normes, inattendu.

J’ai lu et relu dans la presse régionale les comportements de deux « consoeurs » pré-centenaires face à la mort. Renée-Jeanne qui a pris avec force et lucidité le sentier scabreux du grand départ en répétant cette petite phrase anodine et cruelle à la fois, mais emplie de messages précis : « Laissez-moi tranquille », alors que sa fille qui la veillait avec grand amour constatait que sa mère avait la ferme intention de se laisser aller dans ce qu’on appelle « le syndrome du glissement » dont elle connaissait l’incontournable recette : le refus du repas.

Plus récemment, photo parlante, le cas d’une centenaire, mue par son admirable volonté de choisir son ultime départ en s’assurant les soins palliatifs en Ehpad dans son environnement familier.

Ces deux visions sont issues de deux personnalités différentes. Certes, on peut réfléchir, être tenté. J’en ai assez vite fait le tour selon mon propre choix qui ressemble au deuxième. Ma conscience de mère de famille, ma vitalité, mes besoins d’activité ; en sus l’amour et l’amitié me serrant sur leurs coeurs virtuels diluent les images sombres et me remettent d’aplomb avec le même bonheur que lors de mes jeunes années, celui « d’exister ».

Catégorie de l'article : Semaine Mercredi paroles d'ainés
image :   ILEX Formation & Consulting  image : Mutualité française